Sur la carte du tendre, la joaillerie brouille les pistes. Au déluge de carats, le bijou de sentiment privilégie le symbole et développe son propre langage.
Les grands créateurs de bijoux nous l’ont appris : pour bien décrire l’amour, il faut avoir goûté son absence. L’histoire de la plus grande icône joaillière du monde confirme cette affirmation. En 1969, Aldo Cippulo, qui travaille à New York depuis 10 ans, vit dans la douleur la fin d’une relation passionnée. C’est en tout cas ce que nous affirme l’immense historienne du bijou Vivienne Becker dans son ouvrage consacré au designer italien, et nous n’avons aucune raison de ne pas la croire.
Ce dépit amoureux aurait inspiré le dessin du bracelet Love : un jonc rigide en or 18 carats sur lequel se détachent des empreintes de vis. Un tournevis en vermeil permet d’assujettir le bracelet à son porteur. A priori, rien de romantique dans cette proposition qui offre, en pleine révolution sexuelle, une transposition de la ceinture de chasteté tout en donnant un éclat inattendu aux outils du quincaillier. Tiffany & Co. refuse d’ailleurs la création, contrairement à Michael Thomas qui préside la filiale new-yorkaise de Cartier. La maison française n’eut pas à le regretter : le public comprend l’accent bouleversant et le cri de sincérité enchâssés dans ce design qui symbolise les péripéties du sentiment, les paradoxes de l’attachement et les intermittences du cœur. Le succès, non seulement est immense, mais durable.
Constatons que les grandes success-story de la joaillerie ont depuis suivi à la lettre cet enseignement. Le design fonctionnel, tiré du langage quotidien, continue de faire merveille : la silhouette d’une paire de menottes continue de ciseler les collections emblématiques de Dinh Van tandis que le cadenas n’en finit plus d’inspirer les grandes institutions (Tiffany & Co. lui dédie depuis quelques semaines une collection dédiée) et les jeunes maisons : Kimai propose ainsi un bracelet cordon unisexe dont le motif en or recyclé reproduit la forme d’un mousqueton. La mixité, quant à elle, semble être devenue la règle de toute nouveauté visant le statut d’icône.
Source: lepoint